Aller au contenu

Page:Stendhal - Romans et Nouvelles, II, 1928, éd. Martineau.djvu/77

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
65
LE PHILTRE

époque ; je pensai que Mayral n’était peut-être rien moins qu’un Pimentel et un officier du corps du Marquesito. Il n’avait point assez d’orgueil ; il témoigna plusieurs fois la crainte que je ne voulusse me moquer de lui, à cause de son métier d’écuyer voltigeur dans une troupe de sauteurs napolitains…

» Il y a deux mois à peu près, comme nous étions sur le point de sortir pour aller au spectacle, mon mari reçut la nouvelle qu’un de ses vaisseaux avait échoué près de Royan, au bas de la rivière. Lui qui ne parlait jamais, et ne me disait pas dix mots en une journée, s’écria : « Il faudra que j’y aille demain. » Le soir, au spectacle, je fis à Mayral un signe convenu. Pendant qu’il voyait mon mari dans sa loge, il alla prendre une lettre que j’avais laissée chez la portière de notre maison, qu’il avait gagnée. Je vis bientôt Mayral au comble de la joie. J’avais eu la faiblesse de lui écrire que, la nuit du lendemain, je le recevrais dans une salle basse donnant sur le jardin.

» Mon mari s’embarqua après le courrier de Paris, sur le midi. Il faisait un temps superbe, et nous étions dans les jours les plus chauds. Le soir, je dis que je coucherais dans la chambre de mon mari, qui était au rez-de-chaussée, et donnait sur le jar-