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Page:Stendhal - Romans et Nouvelles, II, 1928, éd. Martineau.djvu/87

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LE PHILTRE

» — Il y a la guillotine pour vous si vous me touchez, disait-il.

» La bassesse de ce langage m’a fait horreur.

» — Avec quelles gens me suis-je compromise ! ai-je pensé.

» J’ai eu la présence d’esprit de dire à cet homme que j’avais des protections dans Bordeaux et que M. le procureur-général le ferait arrêter, s’il ne me disait pas toute la vérité.

» — Eh bien, a-t-il répondu, moi, je n’ai rien volé de votre or ni de vos diamants. Mayral vient de quitter Bordeaux ; il va à Paris avec tout le butin. Il est parti avec la femme de notre directeur ; il a donné vingt-cinq de vos beaux louis au directeur, qui lui a cédé sa femme. Il m’a donné deux louis que voilà, et que je vous rends, à moins que vous n’ayez la générosité de me les laisser ; il m’a donné ces deux louis pour vous retenir ici le plus longtemps possible, afin d’avoir vingt ou trente heures d’avance.

» — Est-il Espagnol ? ai-je dit.

» — Lui, Espagnol ! Il est de Saint-Domingue, d’où il s’est enfui en volant ou assassinant son maître.

» — Pourquoi est-il venu ici ce soir ? Réponds, lui ai-je dit, ou mon oncle t’envoie aux galères.