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LE CHEVALIER DE SAINT-ISMIER

d’Espagne à Paris. Nous le plaisantions sur ce que sa maison de Bordeaux était gardée comme un château-fort. D’ailleurs, comment arriver à cet hôtel, magnifique dit-on, moi qui de la vie ne fus en cette ville ? Comment dire à un passant : « Enseignez-moi l’hôtel de Miossens, mais donnez-moi le moyen d’y entrer à l’insu du Marquis ? Réellement, cette idée n’a pas le sens commun. Il est clair aussi que tant que je resterai au milieu des pauvres maisons qui entourent cette église, je n’ai aucune chance de rencontrer l’hôtel de mon cousin que l’on dit fort beau ».

Le beffroi de l’église sonna une heure.

« Je n’ai pas de temps à perdre, se dit le chevalier. Si j’attends le jour pour entrer dans une maison quelconque, le Rochegude le saura. Tout le monde se connaît dans ces villes de province, surtout parmi les gens d’une certaine sorte. »

Le pauvre chevalier se mit donc à errer, fort embarrassé de sa personne et ne sachant trop quel parti prendre. Un silence profond régnait dans toutes les rues qu’il parcourait. L’obscurité aussi était profonde. « Jamais je ne me tirerai de ce cas-ci », se disait le chevalier. « Demain soir, je me vois au château Trompette ; il n’y a pas moyen d’échapper. »