Page:Stendhal - Romans et Nouvelles, Lévy, 1854.djvu/332

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M. de Larçay, partant avec sa femme pour les eaux d’Aix en Savoie, avait oublié une carte sur laquelle il avait montré à ces dames un petit détour qu’il comptait faire en allant à Aix. Un des enfans de Mme de Cely trouva cette carte ; Mina s’en empara et se sauva dans les jardins. Elle passa une heure à suivre le voyage projeté de M. de Larçay. Les noms des petites villes qu’il allait parcourir lui semblaient nobles et singuliers ; elle se faisait les images les plus pittoresques de leur position ; elle enviait le bonheur de ceux qui les habitaient. Cette douce folie fut si forte, qu’elle suspendit ses remords. Quelques jours après, on dit chez Mme de Cely que les Larçay étaient partis pour la Savoie. Cette nouvelle fit une révolution dans l’esprit de Mina ; elle éprouva un vif désir de voyager.

A quinze jours de là, une dame allemande, d’un certain âge, arrivait à Aix en Savoie, dans une voiture de louage prise à Genève. Cette dame avait une femme de chambre contre laquelle elle montrait tant d’humeur, que Mme Toinod, la maîtresse de la petite auberge où elle était descendue, en fut scandalisée. Mme Cramer, c’était le nom de la dame allemande, fit appeler Mme Toinod. — Je veux prendre auprès de moi, lui dit-elle, une fille du pays qui sache les êtres de la ville d’Aix et de ses environs ; je n’ai que faire de celte belle demoiselle que j’ai eu la sottise d’amener et qui ne connaît rien ici.

— Mon Dieu ! votre maîtresse a l’air bien en colère contre vous ! dit Mme Toinod à la femme de chambre, dès qu’elles se trouvèrent seules.

— Ne m’en parlez pas, dit Aniken les larmes aux yeux ; c’était bien la peine de me faire quitter Francfort, où mes parens tiennent une bonne boutique. Ma mère a les premiers tailleurs de la ville et travaille absolument à l’instar de Paris.

— Votre maîtresse m’a dit qu’elle vous donnerait trois