ma parole que jamais être vivante ne se doutera du bonheur dont j’ai joui.
— Pas même l’Orsini ? ajouta-t-elle d’un ton froid qui fit encore illusion au chevalier.
— Vous ai-je jamais nommé, dit naïvement le chevalier, les personnes que j’ai pu aimer avant d’être votre esclave ?
— Malgré tout mon respect pour votre parole d’honneur, c’est cependant une chance que je ne courrai pas, dit la princesse d’un air résolu, et qui enfin commença à étonner un peu le jeune Français. « Adieu ! chevalier... » Et comme il s’en allait un peu indécis : « Viens m’embrasser, » lui dit-elle.
Elle s’attendrit évidemment ; puis elle lui dit d’un ton ferme : « Adieu, chevalier... »
La princesse envoya chercher Ferraterra. « C’est pour me venger, » lui dit-elle. Le prélat fut ravi. « Elle va se compromettre ; elle est à moi à jamais. »
Deux jours après, et comme la chaleur était accablante, Sénecé alla prendre l’air au Cours sur le minuit. Il y trouva toute la société de Rome. Quand il voulut reprendre sa voiture, son laquais put à peine lui répondre : il était ivre ; le cocher avait disparu ; le laquais lui dit, en balbutiant, que le cocher avait pris dispute avec un ennemi.
— Ah ! mon cocher a des ennemis ! dit en riant Sénecé.
En revenant chez lui, il était à peine à deux ou trois rues du Corso, qu’il s’aperçut qu’il était suivi. Des hommes, au nombre de quatre ou cinq, s’arrêtaient quand il s’arrêtait, recommençaient à marcher quand il marchait. « Je pourrais faire le crochet et regagner le Corso par une autre rue, pensa Sénecé. Bah ! ces malotrus n’en valent pas la peine ; je suis bien armé. » Il avait son poignard nu à la main.
Sénecé parcourut, en pensant ainsi, deux ou trois rues écartées et de plus en plus solitaires. Il entendait ces hommes, qui doublaient le pas. A ce moment, en levant les yeux, il remarqua