Page:Stendhal - Romans et Nouvelles, Lévy, 1854.djvu/380

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droit devant lui une petite église desservie par des moines de l’ordre de saint François, dont les vitraux jetaient un éclat singulier. Il se précipita vers la porte, et frappa très fort avec le manche de son poignard. Les hommes qui semblaient le poursuivre étaient à cinquante pas de lui. Ils se mirent à courir sur lui. Un moine ouvrit la porte ; Sénecé se jeta dans l’église ; le moine referma la porte précipitamment. Au même instant, les assassins donnèrent des coups de pied à la porte. Les impies ! dit le moine. Sénecé lui donna un sequin. « Décidément ils m’en voulaient, dit-il. »

Cette église était éclairée par un millier de cierges au moins.

— Comment ! un service à cette heure ! dit-il au moine.

— Excellence, il y a une dispense de l’éminentissime cardinal-vicaire.

Tout le parvis étroit de la petite église de San-Francesco a Ripa était occupé par un mausolée magnifique ; on chantait l’office des morts.

— Qu’est-ce qui est mort ? quelque prince ? dit Sénecé.

— Sans doute, répondit le prêtre, car rien n’est épargné ; mais tout ceci, c’est argent et cire perdus ; M. le doyen nous a dit que le défunt est mort dans l’impénitence finale.

Sénecé s’approchait ; il vit des écussons d’une forme française ; sa curiosité redoubla ; il s’approcha tout à fait et reconnut ses armes ! Il y avait une inscription latine :

Nobilis homo Johannes Norbertus Senece eques decessit Romoe.

« Haut et puissant seigneur Jean Norbert de Sénecé, chevalier, mort à Rome. »

« Je suis le premier homme, pensa Sénecé, qui ait eu l’honneur d’assister à ses propres obsèques... Je ne vois que l’empereur Charles-Quint qui se soit donné ce plaisir Mais il ne fait pas bon pour moi dans cette église. »

Il donna un second sequin au sacristain. — Mon père, lui