Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, II, 1927, éd. Martineau.djvu/11

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habitants, vient d’acheter soixante-deux exemplaires de la Logique de M. de Tracy, traduite par M. Compagnoni, Ancônitain brillant d’esprit. C’est l’un des hommes les plus remarquables recrutés par Napoléon, qui, l’ayant entendu parler, le fit sur-le-champ conseiller d’État.

Ce même prélat m’a dit une chose que je pense depuis la mort du maréchal Ney, mais que je me garde d’avouer. Un des grands et signalés bonheurs de la France, c’est d’avoir perdu la bataille de Waterloo ; ce n’est pas la France, c’est la royauté qui a perdu cette bataille.

Une femme de la société, dont l’amant est mort il y a six mois, et qui est triste, c’est-à-dire réfléchissante sur le sort de l’humanité, me disait ce soir, à la fin d’une longue conversation : « Une Italienne ne compare jamais son amant à un modèle. Dès qu’ils sont amis intimes, il lui conte les caprices les plus bizarres pour ses affaires, sa santé, sa toilette ; elle n’a garde de le trouver singulier, original, ridicule. Comment arriverait-elle à cette idée ? Elle ne le garde et ne l’a pris que parce qu’elle l’aime ; et l’idée de le comparer à un modèle lui semblerait aussi bizarre que celle de regarder si le voisin rit pour savoir si elle s’amuse. Ses bizarreries lui plaisent, et, si elle le regarde, c’est pour chercher à lire