Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, II, 1927, éd. Martineau.djvu/139

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lités.) C’est comme si vingt régiments de Cosaques venaient saccager le boulevard et détruire Paris : ce serait un malheur même pour les hommes qui naîtront dans dix siècles ; le genre humain et l’art d’être heureux auraient fait un pas en arrière.

Hier soir, à notre auberge du Lion d’Argent, en soupant avec sept ou huit voyageurs arrivés de Florence, nous avons été l’objet de trois ou quatre traits de la politesse la plus exquise. Pour compléter les agréments de la soirée, nous sommes servis à table par deux jeunes filles d’une rare beauté, l’une blonde et l’autre brune piquante : ce sont les filles du maître de la maison. On dirait que le Bronzino a dessiné d’après elles ses figures de femmes, dans son fameux tableau des Limbes[1], si méprisé des élèves de David, mais qui me plaît beaucoup, comme éminemment toscan. En Italie, une ville est fière de ses jolies femmes comme de ses grands poëtes. Nos convives, après avoir admiré les traits si nobles de nos jeunes paysannes, entament une vive discussion sur les beautés de Milan comparées à celles de Florence. « Que pouvez-vous préférer,

  1. Alors à Santa Croce, et transporté depuis à la galerie de Florence, comme peu décent dans une église. Les prêtres ont eu raison : cependant ce tableau ne scandalisait personne depuis deux siècles qu’il était à Santa Croce. Les convenances font des progrès : source d’ennui.