Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, II, 1927, éd. Martineau.djvu/167

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(prime sere). Les gens les plus économes toute l’année dépensent fort bien quarante louis pour une loge le jour de l’ouverture. Il y avait ce soir chez madame Formigini des amateurs qui sont venus de Venise, et qui repartent demain. Avares pour les petites choses, ces gens-ci sont prodigues dans les grandes : c’est le contraire en France, où il y a plus de vanité que de passion.

La magnificence de San Carlo fait adorer le roi Ferdinand ; on le voit dans sa loge partager les transports du public : ce mot partager fait oublier bien des choses. Anecdote de la pétition dans le berceau de la princesse nouvellement née, pour sauver la vie de la belle San Felice, pendue en 1799. Un Napolitain, indigné du royalisme produit en moi par la belle architecture de San Carlo, me conte cette histoire : « Vous voyez un théâtre, me dit-il, et vous ne voyez pas les petites villes. » Il a raison de me rabrouer. Je conclus de ce qu’il me dit que le paysan napolitain est un sauvage, heureux comme on l’était à Otaïti avant l’arrivée des missionnaires méthodistes.

28 février. — Je suis allé voir les tableaux du chevalier Ghigi, avec la jeune duchesse. Situation de roman bien singulière, mais trop délicate pour être traitée dans nos mœurs. Le prince Corvi, jaloux de ne