Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, II, 1927, éd. Martineau.djvu/175

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qu’on dit, avait donné la volupté ; Viganò a avancé l’expression dans tous les genres. L’instinct de son art lui a même fait découvrir le vrai génie du ballet, le romantique par excellence. Tout ce que le drame parlé peut admettre de ce genre, Shakspeare l’a donné ; mais le Chêne de Bénévent est une bien autre fête pour l’imagination charmée que la Grotte d’Imogène ou la Forêt des Ardennes du mélancolique Jacques. L’âme, emportée par le plaisir de la nouveauté, a des transports pendant cinq quarts d’heure de suite ; et, quoique ces plaisirs soient impossibles à exprimer par écrit, de peur du ridicule, on s’en souvient après de longues années. On ne peut pas peindre cet effet en peu de mots, il faut parler longtemps, et émouvoir l’imagination des spectateurs. Au château de B***, en France, madame R***, contant le ballet du Chêne de Bénévent, nous retenait au salon jusqu’à trois heures du matin. Il faut que l’imagination du spectateur, pleine des souvenirs du théâtre espagnol et des Nouvelles Castillanes, développe elle-même toutes les situations ; il faut aussi qu’elle soit lasse des développements donnés par la parole. Chaque imagination émue par la musique prend son vol, et fait discourir à sa manière ces personnages qui ne parlent jamais. C’est ainsi que le