Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, II, 1927, éd. Martineau.djvu/200

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faut que cette tragédie (d’Alfieri) agisse sur la nationalité intime des Italiens. Elle excite leurs transports. Ils trouvent de la grâce tendre, à l’Imogène, dans Michol. Tout cela m’est invisible, de manière que j’ai fait la conversation avec le jeune marquis libéral, qui m’a prêté sa loge. Nous avions à côté de nous une jeune fille dont les yeux peignaient l’amour tendre et heureux avec une énergie que je n’ai jamais vue. Trois heures ont volé avec la rapidité de l’éclair. Son promis était auprès d’elle, et la mère souffrait qu’il lui baisât la main.

Mon marquis me disait qu’on ne permet ici que trois tragédies d’Alfieri ; à Rome, quatre ; à Bologne, cinq ; à Milan, sept ; à Turin, point. Par conséquent, l’applaudir est une affaire de parti, et lui trouver des défauts est d’un ultra.

Alfieri manqua d’un public. Le vulgaire est nécessaire aux grands hommes, comme les soldats au général. Le sort d’Alfieri fut de rugir contre les préjugés et de finir par s’y soumettre. En politique, il ne conçut jamais l’immense bienfait d’une révolution qui donnait les deux Chambres à l’Europe et à l’Amérique, et faisait maison nette. Alfieri est peut-être l’homme le plus passionné qu’il y ait eu