Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, II, 1927, éd. Martineau.djvu/205

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pièce traduite de Pigault-Lebrun, et dans les Deux Pages. Pour des raisons à moi connues, le naturel simple ne plaît pas dans les livres en Italie ; il leur faut toujours de l’enflure et de l’emphase. Les Éloges de Thomas, le Génie du Christianisme, la Gaule poétique, et tous ces écrits poétiques qui, depuis dix ans, font notre gloire, semblent faits exprès pour les Italiens. La prose de Voltaire, d’Hamilton, de Montesquieu, ne saurait les toucher. Voilà le principe sur lequel est fondée l’immense renommée de de’ Marini. Il suit la nature, mais de loin ; et l’emphase a encore des droits plus sacrés sur son cœur. Il a ravi toute l’Italie dans les rôles de jeunes premiers ; maintenant il a pris les pères nobles. Ce genre admettant l’enflure, il m’y a fait souvent plaisir.

La naïveté est une chose fort rare en Italie, et cependant personne n’y peut souffrir la Nouvelle Héloïse. Le peu de naïveté que j’aie jamais rencontré, c’est chez mademoiselle Marchioni, jeune fille dévorée de passions, qui joue tous les jours, souvent deux fois : vers les quatre heures, au théâtre en plein air, pour le peuple ; le soir, aux lumières, pour la bonne compagnie. Elle m’a touché jusqu’au saisissement, à quatre heures, dans la Pie Voleuse, et, à huit, dans la Francesca