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ROME, NAPLES ET FLORENCE

mère dont une des filles était à l’agonie. Dans l’égarement de sa douleur, la malheureuse mère s’écrie : « Grand Dieu ! laissez-moi celle-ci, et prenez toutes les autres. » Un des gendres, qui était dans la chambre, s’approche et lui dit : « Madame, les gendres en sont-ils ? » Propos qui fit rire tout le monde, et même la mourante.

Voilà un mot bien français : la plaisanterie est excellente. Mais, malgré la gravité des circonstances, il y a intention de plaire, on cède au besoin de plaisanter. Ce bon mot du gendre eût indigné en Italie. Ce n’est pas légers ou piquants que sont les mots italiens, mais plutôt d’un grand sens, comme ceux des anciens. Un homme d’État florentin soutenait seul par son génie la république qui, dans le moment, courait les plus grands dangers. Il fallut envoyer quelqu’un à une ambassade de la plus haute importance. Le Florentin s’écrie : S’io vo, chi sta ? S’io sto, chi va ? (Si je vais à cette ambassade, qui restera ici, à la défense de la patrie ? Si je reste, qui va ?) Les Italiens sont le peuple moderne qui ressemble le plus aux anciens. Beaucoup d’usages ont survécu même à la conquête par les Romains. Ces gens-ci ont moins subi que nous l’inoculation de la féodalité et du grand sentiment des modernes (leur véritable et seule légion),