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ROME, NAPLES ET FLORENCE

matique, une énergie burlesque, un mépris pour le style, un respect pour les situations caractéristiques, qui laisse bien loin les proverbes spirituels et fins, mais un peu froids, de Collé et de Carmontelle.

La farce d’hier soir est intitulée Si fara si o no un segretario di stato ? (Aurons-nous un premier ministre ?)

Le premier rôle est rempli par un non moindre personnage qu’Innocente Re, lequel n’aime point son premier ministre, don Cechino, vieillard de quatre-vingt-deux ans, autrefois libertin fort adroit et grand séducteur de femmes. Maintenant il a presque tout à fait perdu la mémoire : ce qui ne laisse pas de faire un singulier effet dans la place de premier ministre. La scène dans laquelle don Cechino donne audience à trois personnes, un curé, un marchand de bœufs, et le frère d’un carbonaro, qui lui ont présenté trois pétitions différentes, qu’il confond sans cesse en leur répondant, est délicieuse de vérité et de comique. L’embarras du ministre, qui, sentant bien qu’il a oublié les pétitions, feint sans cesse de se les rappeler parfaitement, est amusant. Son Excellence parle au marchand de bœufs de son frère, qui a conspiré contre l’État, et qui subit une juste punition dans un château fort, et au malheureux frère,