Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, II, 1927, éd. Martineau.djvu/28

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vous est nécessaire pour débiter vos épigrammes. Tanto meglio per voi, ajoute-t-il d’un air froid, toute l’Europe dit que vous avez plus d’esprit que nous. »

Hier, Frascobaldi me dit : « Nous avons l’habitude, dans la rue, de ne jamais regarder un passant plus haut que la poitrine : on trouve tant de perversité et de sottise dans les yeux de l’homme ! Pour moi, je ne remonte jusqu’à la figure d’un inconnu, que si je vois sur son habit la couronne de fer. »

Je lui fis exprès l’éloge d’un beau parleur ; à la fin il me répondit : « Si cet homme a quelque esprit (qualche talento), comment n’a-t-il pas une jolie maîtresse ? ou pourquoi ne fait-il pas des affaires avec le gouvernement, de manière à gagner trente mille scudi par an (cent cinquante-neuf mille trois cents francs) ? De tels gains sont possibles con questi matti di preti. »

L’emploi, fort rare, de briller dans la société, est réservé à quelques vieillards aimables ; comme ils n’ont plus d’intérêts actifs, les gens dont ils se moquent ne peuvent leur nuire ; d’ailleurs leur esprit est beaucoup moins satirique, comme Voltaire, que brillant par l’imagination et les contes singuliers, comme l’Arioste.

Faire de la satire parlée aux gens du gouvernement est, du plus mauvais ton en