Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, II, 1927, éd. Martineau.djvu/27

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mot, je ne me suis pas impatienté en trouvant encore aujourd’hui sur la poussière des marbres de ma chambre des mots que j’y ai tracés il y a trois jours.

Je flânais avec ce même Frascobaldi sous le long portique qui borde au midi la place de Saint-Pétrone, c’est le boulevard de Bologne. Je dis, en regardant certaines estampes : Mon Dieu ! que c’est mauvais !

— « Ah ! que vous êtes bien de votre pays ! me répond Frascobaldi, qui ce jour-là était d’humeur parlante et raisonnante, chose rare ; ces estampes se vendent six pauls (trois francs dix-huit centimes), elles sont pour des gens grossiers ; voulez-vous que tout le monde ait autant de tact que nous ? Si toute la terre était couverte de hautes montagnes, comme le Mont-Blanc, elle ne serait qu’une plaine. Dans tous les genres, vous autres français, vous vous fâchez de ce qui est déplaisant, et prenez la peine de faire des épigrammes ; nous, nous avons l’habitude de détourner la tête ; et cette habitude est si rapide, qu’on peut dire que nous n’apercevons même pas la grossièreté d’un fat ; c’est que nous avons l’âme plus délicate que vous. La vue un peu intime d’un sot m’empoisonne jusqu’à la révolution morale qui suit le prochain repas ; mais à vous autres la vue du sot