Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, II, 1927, éd. Martineau.djvu/33

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il n’y a point de place pour l’étranger. Les loges de Milan lui sont bien plus favorables la conversation y est générale, et l’étranger, assis dans l’obscurité, n’est point embarrassé de la figure qu’il fait.

Beaucoup de Français, outrés du rôle que leur vanité a joué dans un salon italien, prennent la poste le lendemain, et toute leur vie décrient la société de ce pays avec la perfidie de l’amour-propre offensé. Ils ne veulent pas comprendre que le marché à la vanité n’est pas ouvert en Italie. On demande le bonheur aux émotions et, non pas aux mots piquants, aux contes agréables, aux aventures plaisantes. Qu’ils aillent lire des sonnets dans quelque Académie, et ils verront avec quelle politesse on y applaudit l’auteur des plus mauvais vers ; la vanité s’est réfugiée dans son quartier général, le cœur d’un pédant.

Si je me suis bien expliqué, le lecteur doit voir aussi clairement que moi pourquoi il n’y a pas de place pour l’esprit français dans un salon italien. La rêverie n’y est pas rare, et l’on sait que la rêverie ne répond pas même à la meilleure plaisanterie ou au conte le plus piquant. J’ai cent fois observé que l’Italien voit plutôt dans un conte ce qu’il prouve, la lumière qu’il jette sur les profondeurs du cœur humain, que la position plaisante dans laquelle il met un