Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, II, 1927, éd. Martineau.djvu/36

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elle prend moins de temps et d’attention dans la vie de chacun. Galilée fut mis en prison en 1633, Gianonne y mourut en 1758 ; combien d’autres, moins célèbres, ont péri dans d’affreux cachots[1] ! Les prisons et l’espionnage faisant de la conversation le plus dangereux des plaisirs, l’habitude s’en est perdue, et la vanité, qui a besoin de suffrages nombreux et répétés n’a pu naître. À quoi bon à Bologne l’influence sur les autres ? Daignez suivre un instant la vie de tous les Français remarquables par cet esprit qui est compris des contemporains ; elle fut aventureuse. Beaumarchais a dit : « Ma vie est un combat. » Voltaire, Descartes, Bayle, livrèrent des batailles morales, non sans péril. En Italie, ils eussent été engloutis bien vite par les cachots des petits princes.

Peut-être aussi que, même avec un degré tolérable de sécurité, l’énergie que les autres passions ont sous ce climat eût empêché la vanité de prendre l’accroissement gigantesque que nous lui voyons en Angleterre et en France. L’Italien qui, à

  1. L’infortuné Pellico, l’auteur de Francesca da Rimini, est chargé en ce moment (mai 1826) de deux quintaux de chaînes. Les petits séjours à la Bastille de Voltaire. Marmontel, etc., ne peuvent être comparés à ces atroces détentions ; elles prouvent l’existence du sentiment de la liberté dès 1758. Jamais en ce pays-ci les princes ne se sont crus aimés.