Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, II, 1927, éd. Martineau.djvu/37

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deux heures sonnantes, se hâte d’aller passer sous les fenêtres de la femme qu’il aime, parce qu’il sait que quelquefois à cette heure son mari monte à cheval, est capable de se présenter à elle avec un jabot qui va mal ; elle ne s’en apercevra pas. Mais il y a plus, en courant vers cette porte qu’il tremble de trouver fermée, peu importe à l’Italien de rencontrer des personnes de la société qui diront : « Mon Dieu ! de quoi M. un tel a-t-il l’air ? » Il aura passé trois heures dans sa chambre à rêver à la femme qu’il aime, au lieu d’arranger son jabot. La vanité disparaît quelquefois en ce pays pendant plusieurs heures de suite, récit qui doit paraître extravagant à un peuple chez qui sa plus longue éclipse ne dure pas dix minutes. Il est sûr que le climat seul de l’Italie produit sur l’étranger qui arrive un effet nerveux et inexplicable. Lorsque le corps d’armée du maréchal Marmont, qui était embarqué au Texel, après avoir traversé l’Allemagne, en 1806, arriva dans le Frioul vénitien, une âme nouvelle sembla s’emparer de ces quinze mille Français ; les caractères les plus moroses parurent adoucis, tout le monde était heureux dans les âmes, le printemps avait succédé à l’hiver[1].

  1. J’ai honte de donner si peu de profondeur à certains examens ; le pédantisme à la mode fait applaudir les phrases