Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, II, 1927, éd. Martineau.djvu/49

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plissent la Corinne de madame de Staël, les romans de Marivaux, et toutes ces lettres piquantes dans lesquelles mademoiselle Aïssé et autres jolies femmes du siècle de Louis XV ont parlé de leur cœur. Les Florentins de l’an 1400 étaient probablement les hommes les plus avancés de leur époque ; ce qui est tellement vrai, que, sous beaucoup de rapports, on ne les a pas surpassés. Ils réunissaient deux qualités qui se détruisent réciproquement : l’esprit et la force de caractère. Le Dante, qu’elles ont immortalisé, aurait compris sans doute les sentiments fins qui remplissent le singulier roman d’Adolphe, par M. Benjamin Constant, si toutefois de son temps il y avait des hommes aussi faibles et aussi malheureux qu’Adolphe ; mais, pour exprimer ces sentiments, il aurait été obligé d’agrandir sa langue. Telle qu’il nous l’a laissée, elle ne peut pas plus traduire Adolphe ou les Souvenirs de Félicie, que le titre de M. le directeur de la police. Vous autres Français, depuis que vous avez un budget, vous avez emprunté ce mot aux Anglais, qui ont la chose ; vous dites une sinécure, des précédents : voilà ce à quoi ne se serait jamais abaissé l’orgueil puéril de nos maîtres les Florentins ; ils auraient prouvé que tel vieux mot de Guichardin voulait dire budget. Voilà toute la dispute