Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, II, 1927, éd. Martineau.djvu/63

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le notaire Gardinghi, qui l’aimait, mais jamais n’avait reçu d’elle le moindre encouragement ; elle le traitait même beaucoup plus mal qu’aucun autre. Gardinghi en était venu à la regarder, mais à n’oser jamais lui adresser la parole. Quelques mois après sa disparition, des bruits sinistres se répandirent à Bologne. Gardinghi se mit à la chercher ; il découvrit enfin le château près de Ponte-Lagoscuro ; mais malheureusement n’osa pas y pénétrer, de peur de fâcher une femme qui ne lui avait jamais dit qu’elle l’aimait que des yeux. Enfin, après quinze ou vingt jours que Gardinghi passa déguisé dans un misérable cabaret d’un village voisin, où quelquefois allait boire un des valets à figure sinistre, il entendit cet homme dire : « Il signor conte fait ce qu’il lui plaît avec la pauvre contessina, è un signore (tout lui est permis, il est noble) ; mais nous, nous finirons par les galères. » Gardinghi, effrayé, n’hésita plus ; le lendemain matin il entra de vive force et le pistolet à la main chez le comte Valamara ; il prétendit, pour la forme, être envoyé par le vice-légat. Il pénétra jusqu’au lit de la contessina, qui déjà était hors d’état de parler. Il fit appeler deux paysannes, et ne quitta plus la femme qu’il aimait, et qui vécut encore trois jours ; elle n’avait pas vingt-quatre