Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, II, 1927, éd. Martineau.djvu/79

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à Florence, on donnait balia à trente citoyens, c’est-à-dire pouvoir d’inventer une nouvelle constitution, et de la mettre en activité. Bientôt arrivaient les exils et les cruautés. Quand un peuple voit nettement la forme de gouvernement qu’il désire, il n’est pas cruel[1].

Nous voyons ce que les papes sont encore aujourd’hui, je n’ai pas besoin de rappeler l’immense pouvoir dont ils jouissaient au quatorzième siècle. Eh bien, Innocent VI ayant envoyé deux nonces (1361) à ce Bernabò Visconti, seigneur de Milan, dont nous avons parlé si souvent, ils rencontrèrent ce prince à une lieue de sa capitale, sur le pont d’une petite rivière nommée le Lambro. Bernabò voulut connaître sur-le-champ le contenu des bulles ; ayant trouvé le style peu convenable, il dit aux nonces Scegliete, o mangiare o bere (Choisissez, il faut ici manger ou boire). Ces paroles laconiques ne furent que trop comprises des deux ambassadeurs : on leur donnait le choix, ou de manger les bulles, parchemin, cordonnet de soie, cire et plombs, ou d’être jetés dans le Lambro. Ils choisirent de manger les bulles, ce qui fut exécuté sans désemparer, sur ce petit pont pointu au milieu, qui existe encore.

  1. Nous ne repasserons plus par les cruautés de 1793.