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ROME
NAPLES ET FLORENCE


Bologne, 9 janvier 1817. — Ce soir j’ai eu l’honneur de faire la conversation pendant longtemps avec S. E. Monseigneur le cardinal Lante. Voudrait-il me tâter ? Mais, en vérité, à quoi bon ? Quoi qu’il en soit de la cause de ma faveur, les manières de Son Éminence dans la discussion sérieuse sont à peu près celles d’un conseiller d’État sous Napoléon. Son Éminence a moins d’importance, plus d’esprit et plus de gestes. Dès qu’on approche d’un mensonge nécessaire, un petit sourire fin et presque imperceptible avertit qu’on va parler un instant pour la galerie. Dès le huitième jour, il me dit : « Monsieur, j’ai remarqué qu’un Français, non militaire, s’il est allé à la guerre, ne manque pas de raconter comme quoi il lui est arrivé une nuit de dormir sur un mort qu’il n’avait pas aperçu dans la paille, au fond d’une grange. De même, un Français rencontre-t-il un cardinal, il ne manque guère de peindre ce prince de l’Église lui lançant