Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, II, 1927, éd. Martineau.djvu/95

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la politesse la plus parfaite. Il a été bien aise de voir un Français. Je l’ai prié de me faire ouvrir la chapelle à l’angle nord-est, où sont les fresques du Volterrano. Il m’y conduit et me laisse seul. Là, assis sur le marche-pied d’un prie-Dieu, la tête renversée et appuyée sur le pupitre, pour pouvoir regarder au plafond, les Sibylles du Volterrano m’ont donné peut-être le plus vif plaisir que la peinture m’ait jamais fait. J’étais déjà dans une sorte d’extase, par l’idée d’être à Florence, et le voisinage des grands hommes dont je venais de voir les tombeaux. Absorbé dans la contemplation de la beauté sublime, je la voyais de près, je la touchais pour ainsi dire. J’étais arrivé à ce point d’émotion où se rencontrent les sensations célestes données par les beaux-arts et les sentiments passionnés. En sortant de Santa Croce, j’avais un battement de cœur, ce qu’on appelle des nerfs, à Berlin ; la vie était épuisée chez moi, je marchais avec la crainte de tomber.

Je me suis assis sur l’un des bancs de la place de Santa Croce ; j’ai relu avec délices ces vers de Foscolo, que j’avais dans mon portefeuille ; je n’en voyais point les défauts : j’avais besoin de la voix d’un ami partageant mon émotion :