Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, II, 1927, éd. Martineau.djvu/99

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leurs besoins, plus elle fait ma conquête. Mais pour conserver cette illusion sombre qui, toute la journée, m’a fait rêver à Castruccio Castracani, à Ugucione della Fagiola, etc., comme si j’avais pu les rencontrer au détour de chaque rue, j’évite d’abaisser mes regards sur les petits hommes effacés qui passent dans ces rues sublimes, encore empreintes des passions du moyen âge. Hélas ! le bourgeois de Florence d’aujourd’hui n’a aucune passion ; car leur avarice n’est pas même une passion : ce n’est qu’une des convenances de l’extrême vanité combinée avec la pauvreté extrême.

Florence, pavée de grands blocs de pierre blanche de forme irrégulière, est d’une rare propreté ; on respire dans ses rues je ne sais quel parfum singulier. Si l’on excepte quelques bourgs hollandais, Florence est peut-être la ville la plus propre de l’univers, et certainement l’une des plus élégantes. Son architecture gréco-gothique a toute la propreté et tout le fini d’une belle miniature. Heureusement pour la beauté matérielle de Florence, ses habitants perdirent, avec la liberté, l’énergie qu’il faut pour élever de grands édifices. Ainsi l’œil n’est point choqué ici par ces indignes façades à la Piermarini, et rien ne trouble la belle