Page:Stendhal - Souvenirs d’égotisme, 1927, éd. Martineau.djvu/115

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de moi surtout. Je me trouvais tous les défauts, j’aurais voulu être un autre. J’allais à Londres chercher un remède au spleen et je l’y trouvais assez. Il fallait mettre une colline entre moi et la vue du dôme de Milan. Les pièces de Shakespeare et l’acteur Kean (prononcer Kîne) furent cet événement.

Assez souvent je trouvais, dans la société, des gens qui venaient me faire compliment sur un de mes ouvrages ; j’en avais fait bien peu alors. Et le compliment fait et répondu, nous ne savions que nous dire. Ces complimenteurs parisiens, s’attendant à quelque réponse de vaudeville, devaient me trouver bien gauche et peut-être bien orgueilleux. Je suis accoutumé à paraître le contraire de ce que je suis. Je regarde et j’ai toujours regardé mes ouvrages comme des billets à la loterie. Je n’estime que d’être réimprimé en 1900. Pétrarque comptait sur son poème latin de l’Africa et ne songeait guère à ses sonnets.

Parmi les complimenteurs, deux me flattèrent. L’un, de cinquante ans, grand et fort bel homme, ressemblait étonnamment à Jupiter Mansuetus. En 1821, j’étais encore fou du sentiment qui m’avait fait écrire, quatre ans auparavant, le commencement du second volume de l’Histoire de la Peinture. Ce complimenteur si