Page:Stendhal - Souvenirs d’égotisme, 1927, éd. Martineau.djvu/116

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bel homme parlait avec l’afféterie des lettres de Voltaire ; il avait été condamné à mort à Naples en 1800 ou 1799. Il s’appelait di Fiori et se trouve aujourd’hui le plus cher de mes amis. Nous avons été dix ans sans nous comprendre ; alors je ne savais comment répondre à son petit tortillage à la Voltaire.

Le second complimenteur avait des cheveux anglais blonds superbes, bouclés. Il pouvait avoir environ trente ans et s’appelait Edouard Edwards, ancien mauvais sujet sur le pavé de Londres et commissaire des guerres, je crois, dans l’armée d’occupation commandée par le duc de Wellington. Dans la suite, quand j’appris qu’il avait été mauvais sujet sur le pavé de Londres, travaillant pour les journaux, visant à faire quelque calembour célèbre, je m’étonnai bien qu’il ne fut pas chevalier d’industrie. Le pauvre Edouard Edwards avait une autre qualité : il était naturellement et parfaitement brave. Tellement naturellement que lui, qui se vantait de tout avec une vanité plus que française, s’il est possible, et sans la retenue française, ne parlait jamais de sa bravoure.

Je trouvai M. Edouard dans la diligence de Calais. Se trouvant avec un auteur français, il se crut obligé de parler et fit mon bonheur. J’avais compté sur le paysage