Page:Stendhal - Souvenirs d’égotisme, 1927, éd. Martineau.djvu/120

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

première fois que ce genre fade me toucha[1].

Je comprends aujourd’hui que mon âme était toujours bien malade. J’avais une horreur presque hydrophobique à l’aspect de tout être grossier. La conversation d’un gros marchand de province grossier m’hébétait et me rendait malheureux pour tout le reste de la journée, par exemple, le riche banquier Charles Durand de Grenoble, qui me parlait avec amitié. Cette disposition d’enfance, qui m’a donné tant de moments noirs de quinze à vingt-cinq ans, revenait avec force. J’étais si malheureux que j’aimais les figures connues. Toute figure nouvelle, qui dans l’état de santé m’amuse, alors m’importunait.

Le hasard me conduisit à Tavistock Hôtel, Covent-Garden. C’est l’hôtel des gens aisés qui, de la province, viennent à Londres. Ma chambre, toujours ouverte dans ce pays du vol avec impunité, avait huit pieds de large et dix de long. Mais, en revanche, on allait déjeuner dans un salon qui pouvait avoir cent pieds de long, trente de large et vingt de haut. Là, on mangeait tout ce qu’on voulait et tant qu’on voulait pour cinquante sous (deux

  1. En cinq jours, 20-24 juin 1832, j’en suis ici, id est à la 148e page. Rome, juin 1832.

    Reçu hier une lettre de Cachemyr, juin 1831, de Victor Jacquemont.