Page:Stendhal - Souvenirs d’égotisme, 1927, éd. Martineau.djvu/127

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en 1800 pour voir la première représentation de Pinto (germinal an VIII).

Le malheureux qui veut un billet à Covent-Garden est engagé dans des passages tortueux, larges de trois pieds, et garnis de planches que le frottement des habits des patients a rendues parfaitement lisses.

La tête remplie d’idées littéraires, ce n’est qu’engagé dans ces affreux passages et quand la colère m’eut donné une force supérieure à celle de mes voisins que je me dis : Tout plaisir est impossible ce soir pour moi. Quelle sottise de ne pas acheter d’avance un billet de loge !

Heureusement, à peine dans le parterre, les gens avec qui j’avais fait le coup d’épaule me regardèrent avec l’air bon et ouvert. Nous nous dîmes quelques mots bienveillants sur les peines passées ; n’étant plus en colère, je fus tout à mon admiration pour Kean, que je ne connaissais que par les hyperboles de mon compagnon de voyage Edouard Edwards. Il paraît que Kean est un héros d’estaminet, un crâne de mauvais ton.

Je l’excusais facilement : s’il fût né riche ou dans une famille de bon ton, il ne serait pas Kean, mais quelque fat bien froid. La politesse des hautes classes de France, et probablement d’Angleterre,