Page:Stendhal - Souvenirs d’égotisme, 1927, éd. Martineau.djvu/150

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spectacle. Àforce d’être heureux à la Scala (salle de Milan), j’étais devenu une espèce de connaisseur.

À dix ans, mon père, qui avait tous les préjugés de la religion et de l’aristocratie, m’empêcha violemment d’étudier la musique. À seize, j’appris successivement à jouer du violon, à chanter et à jouer de la clarinette. De cette dernière façon seule, j’arrivai à produire des sons qui me faisaient plaisir. Mon maître, un beau et bel Allemand, nommé Hermann, me faisait jouer des cantilènes tendres. Qui sait ? peut-être il connaissait Mozart ? c’était en 1797, Mozart venait de mourir.

Mais alors, ce grand nom ne me fut point révélé. Une grande passion pour les mathématiques m’entraîna ; pendant deux ans, je ne pensai qu’à elles. Je partis pour Paris, où j’arrivai le lendemain du 18 brumaire (10 novembre 99).

Depuis, quand j’ai voulu étudier la musique, j’ai reconnu qu’il était trop tard à ce signe : ma passion diminuait à mesure qu’il me venait un peu de connaissance. Les sons que je produisais me faisaient horreur à la différence de tant d’exécutants du quatrième ordre qui ne doivent leur peu de talent — qui toutefois le soir, à la campagne, fait plaisir — qu’à l’intrépidité avec laquelle le matin ils s’écorchent les