Page:Stendhal - Souvenirs d’égotisme, 1927, éd. Martineau.djvu/151

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oreilles à eux-mêmes. Mais ils ne se les écorchent pas, car… cette métaphysique ne finirait jamais.

Enfin, j’ai adoré la musique et avec le plus grand bonheur pour moi, de 1806 à 1810, en Allemagne. De 1814 à 1821, en Italie. En Italie je pouvais discuter musique avec le vieux Mayer, avec le jeune Paccini, avec les compositeurs. Les exécutants, le marquis Caraffa, les Vicontini de Milan, trouvaient au contraire que je n’avais pas le sens commun. C’est comme aujourd’hui si je parlais politique à un sous-préfet.

Un des étonnements du comte Daru, véritable homme de lettres de la tête aux pieds, digne de l’hébétement de l’Académie des Inscriptions de 1828, était que je pusse écrire une page qui fît plaisir à quelqu’un. Un jour, il acheta de Delaunay, qui me l’a dit, un petit ouvrage de moi qui, à cause de l’épuisement de l’édition, se vendait quarante francs. Son étonnement fut à mourir de rire, dit le libraire.

— Comment, quarante francs !

— Oui, monsieur le comte, et par grâce, et vous ferez plaisir au marchand en ne le prenant pas à ce prix.

— Est-il possible ! disait l’Académicien en levant les yeux au ciel ; cet enfant ! ignorant comme une carpe !