Page:Stendhal - Souvenirs d’égotisme, 1927, éd. Martineau.djvu/173

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encore amer pour moi. Quelquefois je restais dans mon lit, occupé à broyer du noir.

J’écoutais donc dans la bouche de Maisonnette la description de la manière dont le pouvoir, seule chose réelle, était distribué à Paris, alors, en 1821. En arrivant dans une ville, je demande toujours : 1° quelles sont les douze plus jolies femmes ; 2° quels sont les douze hommes les plus riches ; 3° quel est l’homme qui peut me faire pendre.

Maisonnette répondait assez bien à mes questions. L’étonnement pour moi, c’est qu’il fût de bonne foi dans son amour pour le mot de Roi. Quel mot pour un Français ! me disait-il avec enthousiasme et ses petits yeux noirs et égarés se levant au ciel, que ce mot Le Roi !

Maisonnette était professeur de rhétorique en 1811, il donna spontanément congé à ses élèves le jour de la naissance du roi de Rome. En 1815, il fit un pamphlet en faveur des Bourbons. M. Decazes le lut, l’appela et le fit écrivain politique avec six mille francs. Aujourd’hui, Maisonnette est bien commode pour un premier ministre, il sait parfaitement et sûrement, comme un dictionnaire, tous les petits faits, tous les dessous de cartes des intrigues politiques de Paris de 1815 à 1832.