Page:Stendhal - Souvenirs d’égotisme, 1927, éd. Martineau.djvu/174

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Je ne voyais pas ce mérite qu’il faut interroger pour le voir. Je n’apercevais que cette incroyable manière de raisonner. Je me disais : De qui se moque-t-on ici ? Est-ce de moi ? Mais à quoi bon ? Est-ce de Lussinge ? Est-ce de ce pauvre jeune homme en redingote grise et si laid avec son nez retroussé ? Ce jeune homme avait quelque chose d’effronté et d’extrêmement déplaisant. Ses yeux, petits et sans expression, avaient un air toujours le même et cet air était méchant.

Telle fut la première vue du meilleur de mes amis actuels. Je ne suis pas trop sûr de son cœur, mais je suis sûr de ses talents — c’est M. le comte Gazul, aujourd’hui si connu, et dont une lettre reçue la semaine passée m’a rendu heureux pendant deux jours[1]. Il devait avoir dix-huit ans, étant né, ce me semble, en 1804. Je croirais assez, avec Buffon, que nous tenons beaucoup de nos mères, toute plaisanterie à part sur l’incertitude paternelle, incertitude qui est bien rare pour le premier enfant.

Cette théorie me semble confirmée par le comte Gazul. Sa mère a beaucoup d’esprit français et une raison supérieure.

  1. Made 14 pages le 2 juillet de 5 à 7. Je n’aurais pas pu travailler ainsi à un ouvrage d’imagination comme Le Rouge et Le Noir.