Page:Stendhal - Souvenirs d’égotisme, 1927, éd. Martineau.djvu/216

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Sa vie se passa ainsi de 1803 à 1806, ne faisant confidence à personne de ses projets, et détestant la tyrannie de l’empereur qui volait la liberté à la France. M. Mante, ancien élève de l’École polytechnique, ami de Beyle, l’engagea dans une sorte de conspiration en faveur de Moreau (1804). Beyle travaillait douze heures par jour, il lisait Montaigne, Shakespeare, Montesquieu, et écrivait le jugement qu’il en portait. Je ne sais pourquoi il détestait et méprisait les littérateurs célèbres, en 1804, qu’il entrevoyait chez M. Daru. Beyle fut présenté à M. l’abbé Delille. Beyle méprisait Voltaire qu’il trouvait puéril, Mme  de Staël qui lui semblait emphatique, Bossuet qui lui semblait de la blague sérieuse ; il adorait les fables de La Fontaine, Corneille et Montesquieu.

En 1804, Beyle devint amoureux de Mlle  Mélanie Guilbert (Mme  de Baskoff) et la suivit à Marseille, après s’être brouillé avec Mad… qu’il a tant aimée depuis. Ce fut une vraie passion. Mlle  M. G… ayant quitté le théâtre de Marseille, Beyle revint à Paris ; son père commençait à se ruiner et lui envoyait fort peu d’argent. Martial Daru, sous-inspecteur aux Revues, engagea Beyle à le suivre à l’armée, Beyle fut extrêmement contrarié et quitta les études.

Le 14 ou 16 octobre 1806, Beyle vit la