Page:Stendhal - Vie de Napoléon.djvu/186

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sur tous les vivants, mais qu’un public malin s’est toujours obstiné à trouver un peu ineptes.

Quand l’air empesté de la cour eut tout à fait corrompu Napoléon et exalté son amour-propre jusqu’à un état maladif, il renvoya Talleyrand et Fouché et les remplaça par les plus bornés de ses flatteurs (Savary et Bassano).

L’empereur en arriva au point de pouvoir démêler l’affaire la plus compliquée en vingt minutes. On le voyait faire des efforts d’attention incroyables, et impossibles à tout autre homme, pour tâcher de comprendre un rapport prolixe et sans ordre, en un mot fait par un sot qui lui-même ne savait pas l’affaire.

Il disait du comte de C[essac], l’un de ses ministres : « C’est une vieille femme », et il le gardait. « Je ne suis pas un Louis XV moi, disait-il à ses ministres assemblés en conseil au retour d’un de ses voyages, je ne change pas de ministres tous les six mois. » Il partit de là pour leur dire à tous les défauts que le public leur reprochait. Il croyait tout savoir sur tout et n’avoir plus besoin que de secrétaires rédacteurs de ses pensées. Cela peut être juste dans le chef d’une République, où la chose publique profite de l’intelligence du moindre citoyen, mais dans le chef d’un despotisme