Page:Stendhal - Vie de Napoléon.djvu/333

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

seph Rey) recueillit les sentiments du peuple et en fit une adresse à Napoléon.

Un jeune gantier, M. Dumoulin, chez lequel, deux jours auparavant, était venu se cacher un Grenoblois arrivant de l’île d’Elbe et chirurgien de l’empereur, offrit à celui-ci cent mille francs et sa personne. L’empereur lui dit : « Je n’ai pas besoin d’argent dans ce moment ; je vous remercie, j’ai besoin de gens déterminés. » L’empereur transforma le gantier en officier d’ordonnance et lui donna sur-le-champ une mission dont celui-ci s’acquitta fort bien. Ce jeune homme abandonna sur-le-champ un grand établissement.

Napoléon reçut les autorités, il leur parla beaucoup, mais ses raisonnements étaient trop élevés pour être compris par des gens accoutumés quatorze ans de suite à obéir à la baguette et à ne nourrir d’autres sentiments que la crainte de perdre leurs appointements. Ils l’écoutaient d’un air stupide et il n’en put jamais tirer une seule phrase qui partît du cœur. Ses véritables amis furent les paysans et les petits bourgeois. L’héroïsme patriotique respirait dans toutes leurs paroles. Napoléon remercia les Dauphinois par une adresse imprimée à Grenoble. Presque tous les soldats avaient leur cocarde tricolore au fond de leurs shakos. Ils l’arborèrent avec une joie