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Page:Stendhal - Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase, 1928, éd. Martineau.djvu/127

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à l’auditeur, sans choquer certaines règles, dont à la vérité un bon quart au moins sont de pure convention. Tous les jours il nous arrive, en écrivant, d’avoir des idées qui paraissent bonnes, et de trouver une difficulté extrême à les tourner d’une manière agréable et à les écrire. Cet art difficile, que Jomelli priait le père Martini de lui enseigner, Haydn l’avait trouvé tout seul. Dans sa jeunesse, il jetait souvent sur le papier un certain nombre de notes au hasard, en marquait les mesures et s’obligeait à faire quelque chose de ces notes, en les prenant pour fondamentales. On rapporte le même exercice de Sarti. À Naples, l’abbé Speranza obligeait ses élèves à prendre une aria de Métastase, et à faire de suite, sur les mêmes paroles, trente airs différents : c’est par ces moyens qu’il forma le célèbre Zingarelli, qui jouit encore de sa gloire à Rome, et qui a pu écrire ses meilleurs ouvrages en huit jours et quelquefois en moins de temps. Moi, indigne, je suis témoin qu’en quarante heures, distribuées en dix jours de travail, il a produit son inimitable Roméo et Juliette. À Milan, il avait écrit son opéra d’Alcinda, le premier de ses ouvrages célèbres, en sept jours. Il est supérieur à toutes les difficultés matérielles de son art.