Page:Stendhal - Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase, 1928, éd. Martineau.djvu/165

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raniment toute la composition ; par exemple, dans le Mariage secret, le trait de l’orchestre, dans le quatuor du premier acte, après ces mots :

Cosi un poco il suo orgoglio.

Haydn, accoutumé à se livrer à la fougue de son imagination, à manier l’orchestre comme Hercule se servait de sa massue, obligé de suivre les idées du poëte, et de modérer son luxe instrumental, se trouve comme un géant enchaîné : c’est de la musique bien faite ; mais plus de chaleur, plus de génie, plus de naturel ; cette originalité brillante a disparu, et, chose étonnante ! cet homme qui vante le chant à tout propos, qui revient sans cesse à ce précepte, ne met pas assez de chant dans ses ouvrages. Je crois entendre vos auteurs à la mode nous vanter, en style d’amphigouri, la belle simplicité des écrivains du siècle de Louis XIV.

Haydn avoue en quelque sorte sa médiocrité en ce genre. Il dit que s’il avait pu passer quelques années en Italie, entendre les voix délicieuses et étudier les maîtres de l’école de Naples, il aurait aussi bien fait dans l’opéra que dans la musique instrumentale ; c’est ce dont je doute : imagination et sensibilité sont deux choses.