Page:Stendhal - Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase, 1928, éd. Martineau.djvu/193

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firent faire des progrès étonnants à l’art : ils ont eu peut-être autant de génie que Cimarosa, dont les ouvrages donnent immensément plus de plaisir que les leurs. Que n’eût pas fait Mantègne, dont les ouvrages font rire les trois quarts des personnes qui les voient au Musée, si, au lieu de contribuer à l’éducation du Corrége, il fût né à Parme dix ans après ce grand homme ? Que n’eût pas fait surtout le grand Léonard de Vinci, celui de tous les hommes que la nature a peut-être jamais le plus favorisé, lui dont l’âme était créée pour aimer la beauté, s’il lui eût été accordé de voir les tableaux du Guide ?

Un ouvrier en peinture ou en musique surpasse facilement aujourd’hui Giotto ou Palestrina ; mais où ne fussent pas allés ces véritables artistes s’ils eussent eu les mêmes secours que l’ouvrier notre contemporain ? Le Coriolan de M. de la Harpe, publié du temps de Malherbe, eût assuré à son auteur une réputation presque égale à celle de Racine. Un homme né avec quelque talent est naturellement porté par son siècle au point de perfection où ce siècle est arrivé : l’éducation qu’il a reçue, le degré d’instruction des spectateurs qui lui applaudissent, tout le conduit jusque-là ; mais, s’il va plus loin, il devient supérieur à son siècle, il a du génie ; alors il travaille pour