Page:Stendhal - Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase, 1928, éd. Martineau.djvu/199

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Encore une histoire. Dans ma première jeunesse, au milieu des plus grandes chaleurs de l’été, j’allai une fois avec d’autres jeunes gens sans soucis chercher la fraîcheur et l’air pur sur une des hautes montagnes qui entourent le lac Majeur, en Lombardie : arrivés, au point du jour, au milieu de la montée, comme nous nous arrêtions pour contempler les îles Borromées, qui se dessinaient à nos pieds au milieu du lac, nous sommes environnés par un grand troupeau de brebis qui sortaient de l’étable pour aller au pâturage. Un de nos amis qui ne jouait pas mal de la flûte, et qui portait la sienne partout, la sort de sa poche : « Je vais, dit-il, faire le Corydon et le Ménalque ; voyons si les brebis de Virgile reconnaîtront leur pasteur. » Il commence : les brebis et les chèvres, qui, l’une à la suite de l’autre, s’en allaient le museau baissé vers la montagne, au premier son de la flûte soulèvent la tête : toutes, par un mouvement général et prompt, se tournent du côté d’où venait le bruit agréable ; peu à peu elles entourent le musicien, et l’écoutent sans remuer. Il cesse de jouer, les brebis ne s’en vont pas. Le bâton du berger intime l’ordre d’avancer à celles qui se trouvent le plus près de lui : celles-là obéissent ; mais à peine le flûteur recommence-t-il à jouer,