Page:Stendhal - Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase, 1928, éd. Martineau.djvu/200

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que ses innocentes auditrices reviennent l’entourer. Le berger s’impatiente, lance avec sa houlette des mottes de terre sur son troupeau, mais rien ne remue. Le flûteur joue de plus belle ; le berger entre en fureur, jure, siffle, bat, lance des pierres aux pauvres amateurs de musique : ceux qui sont atteints par les pierres se mettent en marche ; mais les autres ne remuent pas. Enfin le berger est obligé de prier notre Orphée de cesser ses sons magiques : les brebis se mettent alors en route ; mais elles s’arrêtaient encore de loin, toutes les fois que notre ami leur faisait entendre l’instrument agréable. L’air joué était tout simplement l’air à la mode de l’opéra qu’on donnait alors à Milan.

Comme nous musiquions sans cesse, nous fûmes enchantés de notre aventure ; nous raisonnâmes toute la journée, et nous conclûmes que le plaisir physique est la base de toute musique.

Et les messes de Haydn ? Vous avez raison ; mais que voulez-vous ? J’écris pour m’amuser, et il y a longtemps que nous sommes convenus d’être naturels l’un pour l’autre.

Les messes de Haydn, donc, sont inspirées par une douce sensibilité : la partie idéale en est brillante, et en général pleine de dignité ; le style est enflammé, noble,