Page:Stendhal - Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase, 1928, éd. Martineau.djvu/215

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ne m’être jamais trouvé à pareille fête : l’élite des gens de lettres et de la société était réunie dans cette salle, très favorable à la musique ; Haydn lui-même dirigeait l’orchestre. Le plus parfait silence, l’attention la plus scrupuleuse, un sentiment je dirais presque de religion et de respect dans toute l’assemblée : telles étaient les dispositions qui régnaient quand partit enfin le premier coup d’archet. L’attente ne fut pas trompée. Nous vîmes se dérouler devant nous une longue suite de beautés inconnues jusqu’à ce moment : les âmes, surprises, ivres de plaisir et d’admiration, éprouvèrent pendant deux heures consécutives ce qu’elles avaient senti bien rarement : une existence heureuse, produite par des désirs toujours plus vifs, toujours renaissants et toujours satisfaits.

Vous parlez si souvent en France de M. Delille et du genre descriptif, que je ne vous demande pas d’excuse pour une digression sur la musique descriptive ; digressions et genre descriptif se tiennent par la main ; ce pauvre genre mourrait d’inanition s’il était privé de tout ce qui n’est pas lui.

On peut faire une objection plus forte à la musique descriptive. Quelque mauvais plaisant peut fort bien lui dire :