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« La fille de Geronimo a son amant auprès d’elle ; il vit, comment saurait-elle être malheureuse ? La musique devient presque importune à cette âme souffrante qui voudrait ne pas sentir. Le magicien a beaucoup de peine à accrocher le petit fil d’or ; mais enfin elle est attentive, son œil se fixe et devient humide. Le profond malheur exprimé par l’air

Deh ! signor !

commence à l’attendrir ; bientôt ses larmes couleront : elle est embarrassée pour les cacher à son gros mari, qui est sur le point de s’endormir, et qui trouverait cet attendrissement bien bête. Le compositeur mènera cette pauvre âme souffrante où il voudra : il lui coûtera bien des larmes ; le fil d’or ne finira pas de longtemps. Voyez ces personnes qui vous entourent ; voyez-vous dans leurs yeux. Le spectacle commença. »

Lorsque la musique réussit à peindre les images, le silence d’une belle nuit d’été, par exemple, on dit qu’elle est pittoresque. Le plus bel ouvrage de ce genre est la Création de Haydn, comme Don Juan ou le Matrimonio sont les plus beaux exemples de la musique expressive.