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au fond de sa vallée. Le petit ruisseau est rendu avec un bonheur rare ; mais je n’en avoue pas moins qu’un air consacré à peindre les effets des eaux est quelque chose de bien bizarre, et qui ne promet pas de grands plaisirs.

Qu’on demande au Corrége le tableau d’une nuit complète, ou d’un ciel inondé de lumière en tout sens ; le sujet est absurde, mais comme il est le Corrége, il y fera encore entrer, malgré cette absurdité, mille petits moyens accessoires de plaire, et son ouvrage sera agréable.

On distingue encore dans la Création quelques points brillants ; par exemple, un air que Haydn aimait beaucoup, et qu’il avait refait trois fois ; il doit peindre la terre se couvrant d’arbres, de fleurs, de plantes de toute espèce, de baumes odorants. Il fallait un air tendre, gai, simple ; et j’avoue que j’ai toujours trouvé dans cet air chéri de Haydn plus d’affectation que d’ingénuité et de grâce.

Cet air est suivi d’une fugue brillante dans laquelle les anges louent le Créateur, et où Haydn reprend tous ses avantages. La répétition du chant, qui est l’essence de la fugue, a l’avantage de peindre ici l’empressement des anges que l’amour porte à chanter, tous en même temps, leur divin Créateur.