Page:Stendhal - Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase, 1928, éd. Martineau.djvu/300

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lui disant que, puisqu’il n’avait pas reçu de leçons régulières de violon, il ne devait pas être en état de bien jouer. Le fils répliqua que, pour jouer le second violon, il ne lui semblait pas indispensable d’avoir reçu des leçons. Le père, à moitié fâché de cette réponse, lui dit de s’en aller et de ne plus nous interrompre. Wolfgang en fut tellement affecté, qu’il commença à pleurer à chaudes larmes : comme il s’en allait avec son petit violon, je priai qu’on lui accordât la permission de jouer avec moi. Le père y consentit après bien des difficultés. Eh bien, dit-il à Wolfgang, tu pourras jouer avec M. Schachtner, mais sous la condition que ce sera tout doucement, et qu’on ne t’entendra pas ; sans cela, je te ferai sortir sur-le-champ. Nous commençons le trio, et le petit Mozart joue avec moi : je ne fus pas longtemps à m’apercevoir, avec le plus grand étonnement, que j’étais tout à fait inutile. Sans dire un mot, je mis mon violon de côté, en regardant le père, à qui cette scène faisait verser des larmes de tendresse. L’enfant joua de même les six trios. Les éloges que nous lui prodiguâmes alors le rendirent assez hardi pour prétendre qu’il jouerait bien aussi le premier violon. Par plaisanterie nous en fîmes l’essai, et nous ne pouvions pas nous empêcher de rire en l’entendant