Page:Stendhal - Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase, 1928, éd. Martineau.djvu/312

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de l’envoyer à l’empereur, qui avait alors à son service les premiers chanteurs de ce temps-là.

Malgré leurs talents, le Miserere d’Allegri n’ayant fait à la cour de Vienne d’autre effet que celui d’un faux bourdon assez plat, l’empereur et toute sa cour pensèrent que le maître de chapelle du pape, jaloux de garder le Miserere, avait éludé l’ordre de son maître et envoyé une composition vulgaire. L’empereur expédia sur-le-champ un courrier au pape, pour se plaindre de ce manque de respect ; et le maître de chapelle fut renvoyé, sans que le pape, indigné, voulût même écouter sa justification. Ce pauvre homme obtint pourtant d’un des cardinaux qu’il plaiderait sa cause et ferait entendre au pape que la manière d’exécuter ce Miserere ne pouvait s’exprimer par des notes, ni s’apprendre qu’avec beaucoup de temps et par des leçons répétées des chantres de la chapelle qui possédaient la tradition. Sa Sainteté, qui ne se connaissait pas en musique, put à peine comprendre comment les mêmes notes n’avaient pas, à Vienne, la même valeur qu’à Rome. Cependant elle ordonna au pauvre maître de chapelle d’écrire sa défense pour être envoyée à l’empereur, et, avec le temps, il rentra en grâce.

C’est cette anecdote très connue qui