Page:Stendhal - Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase, 1928, éd. Martineau.djvu/331

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Quand il était saisi d’une idée, on ne pouvait l’arracher à son ouvrage. Si on l’ôtait du piano, il composait au milieu de ses amis, et passait ensuite des nuits entières la plume à la main. Dans d’autres temps, son âme était tellement rebelle à l’application, qu’il ne pouvait achever une pièce qu’au moment même où l’on devait l’exécuter. Il lui arriva même un jour de renvoyer tellement au dernier moment un morceau qui lui avait été demandé pour un concert de la cour, qu’il n’eut pas le temps d’écrire la partie qu’il devait exécuter. L’empereur Joseph, qui furetait partout, jetant par hasard les yeux sur le papier de musique que Mozart avait l’air de suivre, fut étonné de n’y voir que des lignes sans notes, et lui dit : « Où est donc votre partie ? — Là, répondit Mozart, en portant la main au front. »

Le même accident fut sur le point de lui arriver au sujet de l’ouverture de Don Juan. On convient assez généralement que c’est la meilleure de ses ouvertures ; cependant il n’y travailla que dans la nuit qui précéda la première représentation et lorsque la répétition générale avait déjà eu lieu. Le soir, vers les onze heures, en se retirant, il pria sa femme de lui faire du punch, et de rester avec lui pour le tenir éveillé. Elle y consentit, et