Page:Stendhal - Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase, 1928, éd. Martineau.djvu/45

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interrompent, de temps en temps la forêt, a deux lieues de long sur une et demie de large. Je ne sais si c’est une idée singulière, mais pour moi ce superbe Prater a toujours été une image sensible du génie de Haydn.

Dans cette Vienne du centre, séjour d’hiver des Esterhazy, des Palfy, des Trautmansdorff, et de tant de grands seigneurs environnés d’une pompe presque royale, l’esprit n’a point le développement brillant que l’on trouvait dans les salons de Paris avant notre maussade révolution. La raison n’y a point élevé ses autels comme à Londres ; une certaine réserve, qui fait partie de la politique savante de la maison d’Autriche, a porté les peuples vers des plaisirs plus physiques, et moins embarrassants pour ceux qui gouvernent.

Cette maison a eu des rapports fréquents avec l’Italie, dont elle possède une partie ; plusieurs de ses princes y sont nés. Toute la noblesse de Lombardie se rend à Vienne pour solliciter de l’emploi, et la douce musique est devenue la passion dominante des Viennois. Métastase a vécu cinquante ans parmi eux[1] ; c’est pour eux qu’il

  1. Né en 1698, appelé à Vienne en 1730, il y vécut jusqu’en 1782.