Page:Stendhal - Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase, 1928, éd. Martineau.djvu/46

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composa ces opéras charmants que nos petits littérateurs à la Laharpe prennent pour des tragédies imparfaites. Les femmes ici ont de l’attrait ; un teint superbe sert de parure à des formes élégantes : l’air plein de naturel et quelquefois un peu languissant et un peu ennuyeux des Allemandes du Nord est mélangé ici d’un peu de coquetterie et d’un peu d’adresse ; effet de la présence d’une cour nombreuse. En un mot, à Vienne, comme dans l’ancienne Venise, la politique et les raisonnements à perte de vue sur les améliorations possibles étant défendus aux esprits, la douce volupté s’est emparée de tous les cœurs. Je ne sais si cet intérêt des mœurs, dont on nous ennuie si souvent, y trouve son compte ; mais ce dont vous et moi sommes sûrs, c’est que rien ne pouvait être plus favorable à la musique. Cette enchanteresse l’a emporté ici même sur la hauteur allemande ; les plus grands seigneurs de la monarchie se sont faits directeurs des trois théâtres où l’on chante ; ce sont eux encore qui sont à la tête de la Société de musique, et tel d’entre eux dépense fort bien huit ou dix mille francs par an pour les intérêts de cet art. On est peut-être plus sensible en Italie ; mais il faut convenir que les beaux-arts sont loin d’y recevoir de tels encouragements. Aussi Haydn est né