Page:Stendhal - Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase, Lévy, 1854.djvu/27

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beau[1] ! » C’est à force de beautés de ce genre que notre musique s’en va grand train.

En France, dans la musique comme dans les livres, on est tout fier quand on a étonné par une phrase bizarre : le bon public ne s’aperçoit pas que l’auteur n’a rien dit, trouve quelque chose de singulier dans son fait, et applaudit ; mais au bout de deux ou trois singularités dûment applaudies, il bâille, et cette triste manière d’être termine tous nos concerts.

De là cette opinion si générale dans les pays à mauvaise musique, qu’il est impossible d’en entendre plus de deux heures de suite sans périr d’ennui. À Naples, à Rome, chez les véritables amateurs où la musique est bien choisie, elle charme sans peine toute une soirée. Je n’ai qu’à rappeler les aimables concerts de madame la duchesse L…, et je suis sûr de gagner ma cause auprès de tous ceux qui ont eu le bonheur d’y être admis.

Pour revenir à l’histoire un peu sèche de la musique instrumentale, je vous rappellerai que l’invention de Lulli, quoique très-propre à l’objet qu’il se proposait, et qui était d’ouvrir avec pompe une représentation théâtrale, trouva si peu d’imitateurs, que pendant longtemps on joua en Italie ses symphonies devant les opéras des plus grands maîtres, ceux-ci ne voulant pas se donner la peine de faire des ouvertures ; et ces maîtres étaient Vinci, Leo, le divin Pergolèse. le vieux Scarlati fut le premier qui fit paraître des ouvertures de sa façon : elles eurent un grand succès, et il fut imité par Corelli, Perez, Porpora, Carcano, le Bononcini, etc. Toutes ces symphonies, écrites comme celles de Lulli, étaient com-

  1. Lettres persanes.